QU'EST CE QU'UN JEU DE ROLE ?Une petite mise au point s’impose tant j’ai été témoin ces derniers jours de propos candides voire même honteusement inexacts sur le sujet !
La définition Jeu de rôle est parfois totalement englobée dans sa seule variante informatique ( solo, multijoueur ou massivement multijoueur ), assimilée par erreur aux cartes à jouer inspirées de jeux de rôle, rapprochée des wargames ou encore confondu avec je ne sais trop quelle hérésie pokémonesque !
Halte à l’ignorance et à la dérive du Dogme ! Je propose un petit retour au catéchisme pour les jeunes lecteurs et un petit rappel nostalgique pour les anciens...
oui, vous les vieux qui poussez actuellement de vains soupirs en songeant à un passé meilleur et tentez sans réussite de dissimuler cette larmouille qui glisse sur votre joue frémissante…
En ce temps, les filles étaient alors plus belles, la neige tombait encore en février et les polémiques sur les impôts étaient une private joke entre adultes…
Une courte définition de Denis Gerfaud pour démarrer :
« C’est un conte où les auditeurs ont le droit (et le devoir ) d’intervenir pour modifier le cours de l’histoire […] Mais alors, où va le conte ? Il va où le veulent les auditeurs et le conteur tous ensemble » La préhistoire du Jeu de rôle :La Murder Party (ou "soirée enquête" )est une pratique de bourgeois oisifs née au début du 20ème Siècle. Ces chers désoeuvrés ont introduit, pour agrémenter des soirées que la gente féminine ne pouvait à elle seule sans doute dérider, une pratique consistant à mettre en scène un assassinat ( fictif bien sûr ) pour confier aux invités, tels des Hercules Poirot ou des Miss Marple en herbe la résolution de l’énigme et la découverte de l’assassin. Discussion, interrogatoire, recherche d’indices disposés préalablement par les organisateurs, tout est bien huilé pour assurer à ce « Cluedo » grandeur nature une place de choix dans ce qui s’annoncait comme une morne soirée. Ce n’était pas un jeu de rôle à proprement parler car les enquêteurs n’avaient pas pour vocation de « jouer un rôle » c’est à dire évoquer une personnalité inventée ou suggérée par le scénario…chacun tiens alors son propre rôle dans sa propre peau et ne s’occuppe que de récolter et déduire.
L ‘an 1 du Jeu de rôle : Le vénérable Donjons & Dragons




Au début des années 70, un ricain du nom de Gary Gygax ( que j’ai personnellement rencontré à la faveur d’un salon ), fervent pratiquant de wargames eu l’idée, à partir de cette pratique, de mettre en scène sur un plateau de jeu des personnages singuliers ( avec des figurines ) dont des joueurs tiendraient le destin au milieu d’embûches posé par un joueur un peu spécial, le « mâitre du donjon » qui aura préalablement préparé le terrain…
La verbalisation du jeu de rôle, encore rudimentaire, doit alors à peu près ressembler à cela :
Maître du donjon : vous arrivez dans une pièce carrée de douze mêtre sur dix...ah oui, il y a un gobelin de dos en J8
Joueur 1 : « j’avance mon paladin de deux cases vers le gobelin, que je prends donc de dos…yeap ! Tu peux me passer les chips ? »
Joueur 2 : « Trois cases derrière le paladin, mon elfe des bois arrose de flèches le gobelin pour soutenir l’attaque. Tiens les voilà...»
Maître du Donjon : « Ok, à ce moment, un troll entre par la porte nord-est…tirez les dés pour savoir si vous avez réussi à toucher le gobelin…bouffez pas tout, hein ! »Au fûr et à mesure, les règles se complexifient sans cesse pour plus de réalisme et Advanced Dungeons&Dragons naîtra en 1978…qui reste encore aujourd’hui le plus connu et le plus joué de nos jours et donnera lieu à d’innombrables adaptations ou inspirations informatiques ( dont Neverwinter Night est le dernier rejeton )
Les années passant, l’usage des plateaux de jeu se perdra au bénéfice de la verbalisation et chaque joueur abandonnera progressivement sa figurine ( qui retournera au wargame d’où elle provenait ) pour investir son personnage, comme un acteur de théatre investit un rôle
A l’ère avancée du jeu de rôle classique, la scène précédente pourrait se traduire par :
Maître du donjon: Vous pénetrez tous les deux dans un espace obscur...les murs polis par des millénaires de ruisellement refléchissent la lumière de vos torches, le sol est irrégulier et spongieux...vous apercevez s'affairant dans un coin une petite sihouette maladive que vous identifiez comme celle d'un gobelin...que faites vous ?"
Joueur 1 : « Je tire mon épée de son fourreau et dans un hurlement de rage ( raaaaah !) je tente de décapiter le gobelin d’un grand coup de taille ! » (tire les dés)
Joueur 2 : « je reste à bonne distance et dissimulée …je garnis de flèches l’affreuse créature ! »
Maître du donjon « Le gobelin glapit sur le coup de la surprise et recule, la peur dans les yeux…mais c’est alors que dans un grondement horrible, vous apercevez une ombre gigantesque qui s’avance par l’ouverture de côté »
Joueur 2 « attention Sire Robert, derrière vous ! »
Joueur 1 " Damn ! Par Saint Georges, je fais volte face !"
Des règles viennent bien sûr simuler la réussite ou l’échec de chaque action : Le combat bien sûr mais aussi le crochetage d’une porte, le lancer d’un sort…et le tout se décide généralement avec des dés.
A ce moment, le Thème Médiéval Fantastique est seigneur est maître, Gygax ayant abondamment puisé dans le seigneur des anneaux de Tolkien et dans la mythologie Celte et nordique pour créer ses univers…
Plusieurs Univers verront successivement le jour et décrivent un monde évolutif et cohérent dans lesquels les personnages vont pouvoir évoluer ou influer ( Dragon Lance, Royaumes Oubliés, Ravenloft…)
Les années 1980-1990 : L’âge d’or du jeu de rôleD’autres auteurs ne tarderont pas à se lancer dans la création et à investir d’autres univers et d’autres époques, pour proposer aux joueurs des parties affranchies des relents putrides de souterrains humides…
Le Space Opéra et la Science fiction sous toutes ses formes, l’épouvante et/ou les Jeux de rôle tirés d’œuvres littéraires prennent place ( mais en retrait toujours ) non loin de AD&D et leur multiplication font les jours glorieux ce cette décennie.
Parmi les plus célèbres et aujourd’hui encore les plus en vogue chez les puristes, on citera :
-Space Traveller : un des premiers jeu de rôle Space opéra
-Call of Cthulhu, tiré de l’oeuvre de H.P.Lovecraft ( dont je conseille vivement la lecture au passage )
-Runequest, médiéval Fantastique lui aussi
-Stormbringer, tiré de la Saga d’Elric par Moorcock
-JRTM ( Jeu de rôle dans les Terres du Milieu ) explicitement inspiré de l’œuvre de Tolkien.
-Shadowrun : Mettez quelques pelletées d'elfes et de trolls dans un univers cyberpunk.c'est Shadowrun ( le chouchou de Benou

)





Les auteurs Français ne sont pas en reste et nous livrent des créations en nombre, qui laissent souvent l’ambiance prendre le pas sur la simulation technique…la « French touch », déjà !
On retiendra pour cette période à titre d’exemple :
-Maléfices : Esotérisme dans la France du début 20ème
-Rêve de Dragon : Mon chouchou à moi, magnifique création de Denis Gerfaud

-Légendes Celtiques : Nous replonge dans les temps anciens ( la série « Légendes » se décline en plusieurs lieux et époques )
Les allemands nous gratifient de l’Oeil Noir ( médiéval fantastique) et de Chill ( horreur ) qui se vendront correctement dans l’hexagone
A la fin des années 1980, le concept du jeu de rôle commencera à se décliner dans nos chers ordinateurs personnels, sous des formes plus ou moins heureuses…A la lisière des années 80 et 90 naîtront quelques soft de légende, comme Eye of the Beholder, Lands Of Lore, ultima puis ultima underworld…
Il est important de retenir que ces softs ( et aujourd’hui cela vaut pour Oblivion ) sont peut être abusivement qualifiés de « Jeu de rôle » puisqu’a aucun moment, le joueur investit le personnage pour lui donner une personnalité propre et ne peut faire s’exprimer librement le personnage autrement que par les différentes voies qui ont été programmées. Ces jeux sont bornés par le codage informatique qui a un moment ou un autre vous annoncera : « vous ne pouvez pas aller par là, faites demi-tour » . Seul le joueur pourra selon son souhait décider, à l'aide de sa propre imagination "d'inventer son histoire" à partir des éléments offerts à sa vue et de finement scénariser le tout dans sa tête. Un joueur informatique s'imosera par exemple des contraintes ou une stratégie conforme à l'idée qu'il se fait de la personnalité de son personnage. On "rêvera" son rôle plus qu'on ne l'incarnera. La liberté du jeu sur table créant un rêve cette fois partagé et la trame n’étant limitée que par l’imagination des joueurs, comparé aux graphismes rudimentaires des équivalents informatiques assure dans les premiers temps une cohabitation loyale des deux porteurs de l’appellation « jeu de rôle ».
1990- 21ème siècle : L’apogée et le déclin du jeu de rôle classique, la montée en puissance des softs RPG solo et…le crack MMORPG…Le jeu de rôle sur la table vit au début des années 90 ses heures de gloires :les productions sont pléthoriques ! Ambre, Vampires, Loup-Garou sont les moteurs d’une évolution toujours tournée vers un jeu d’acteur plus abouti, une véritable incarnation de son personnage…les jeux de rôle « grandeur nature » fleurissent également, qui se révèlent être un épanouissement total du concept simplement ébauché dans les murders party : des jeux de rôle ou chacun joue le rôle d’un autre dans sa propre peau pour parler effectuer dans la vie réelle ce que le joueur sur table se contentait de verbaliser…
Pendant ce temps, au royaume des pixels et suivant la montée en puissance des PC, les jeux de rôle informatiques s'épanouissent dans de des univers graphiques flatteurs et s'enrichissent de possibilités d’action accrues…
Souterrainement, le jeu de rôle sur table, qui a fondé le genre, se meurt sans le savoir…jusqu’au coup de grâce MMORPG
Afin de compléter, donner un nouveau point de vue et aborder la période récente du JDR "sur table", un lien direct vers le très bon article de rêveur81 : http://www.esprits.net/forums/viewtopic.php?pid=5811#p5811